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Annonay, dernier des Mohicans

LNH - Publié le 28 mai 2016 à 09h35
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A l'occasion du Final4, qui se déroule ce week-end à Cologne, Patrice Annonay, qui va boucler sa 11e et dernière saison à Paris, nous invite à une belle visite guidée.

Dans la constellation parisienne, Patrice Annonay n’est qu’une poussière. Le remplaçant de Thierry Omeyer auquel on octroie un temps de jeu minimum. Le joueur de complément dans l’ombre d’une armée de figures marquantes du handball international. L’un des plus petits salaires au club encore. L’homme en droit de se poser les questions les plus embarrassantes concernant son rôle, voire même sa présence au sein d’un effectif aussi richement doté. Paradoxalement, il reste la référence de Paris. Celui, par exemple, qu’on envoie en conférence de presse quelques jours après les attentats du 13 novembre quelques heures avant un rendez-vous européen face à Kiel. Personne, en effet, n’est mieux placé que lui pour parler de Paris. Personne n’est mieux indiqué que lui pour évoquer son attachement et sa passion de la capitale. Personne, enfin, ne peut donner un sens plus humain à l’aventure de son club dans un environnement bouclé, régi par un professionnalisme exacerbé qui interdit tout acte et toute parole non prévus par la charte interne.

Patrice Annonay, lui, a toujours parlé. La curiosité, le besoin de compréhension l’ont mené dès son arrivée à Paris à arpenter les quartiers de la capitale, à se fondre dans son agitation et son fourmillement. "Quand j’ai débarqué en provenance d’Angers, j’avais l’image d’une ville plutôt impersonnelle, façonnée sur un mode très individualiste. Je me suis rendu compte très vite que le constat était faux. Dans cette ville, en effet, où on n’arrête pas de courir, les gens éprouvent le besoin de souffler, de se poser à une terrasse et de prendre enfin leur temps. J’ai passé des heures avec des gens qui m’ont raconté leur Paris. Il y a une identité ici, un amour profond des gens pour leur ville." Une vraie solidarité quand il s’agit de défendre ses couleurs qu’il a retrouvé au Paris Handball. "Je m’y suis senti bien parce que des gens comme Cédric Sorhaindo, Martiniquais comme moi arrivé un an plus tôt, et Olivier Girault, le capitaine de l’équipe, ont facilité mon adaptation en me guidant sur des lieux. Souvent, d’ailleurs, on partait en bande dans Paris passer des moments forts ensemble." La ville est, toujours aujourd’hui, son ballon d’oxygène quand la dimension sportive vient étouffer ses espoirs et ses ambitions. "C’est vrai qu’il y a toujours eu une forte concurrence à mon poste depuis dix ans, que j’ai pu me poser des questions aussi sur mes capacités à soutenir la comparaison mais j’ai trouvé le souffle dans cette ville, au coeur de tous ces moments partagés lors de ces rencontres de passage. Petit à petit, on tisse une sorte de réseau et cela devient une famille."

"Une forme de robotisation de notre métier"

Rien d’étonnant, alors, qu’au fil des années il soit naturellement devenu un relais pour les nouveaux arrivants. Il est la bible de son club, celui que l’on appelle quand on prévoit une sortie, celui que l’on écoute aussi quand il sort son catalogue des plaisirs et des bonheurs de Paris. Mikkel Hansen, le Danois, a toujours suivi le gardien martiniquais, adepte comme lui des grandes balades dans les rues de Paris, des pauses café à une terrasse, de la découverte tout simplement. Il est le dernier des Mohicans au sein d’un effectif exclusivement tourné vers la performance, obnubilé par la réussite, le devoir de récupération. "Je ne vais pas me plaindre parce qu’on a tous voulu un grand club à Paris et on l’a aujourd’hui. C’est vrai aussi qu’il y a une forme de robotisation dans notre métier et que la relation humaine n’y occupe plus un rôle majeur mais c’est une évolution à laquelle personne n’échappe. Oui, on est dans une sorte de broyeur."

Pourtant Patrice Annonay continue d’exercer son activité sur le même thème. Après les matches, on le retrouve aux Fontaines, porte de Saint-Cloud, à refaire les matches avec les supporters, à partager un verre avec ceux qui sont devenus ses amis sur le mode de l’échange et de la convivialité. Simplement parce qu’il n’a jamais cessé d’aller vers les gens. "Ils peuvent tellement m’apprendre encore."

Probablement est-ce la raison pour laquelle, il est toujours le dernier à quitter Coubertin après les entraînements. Il y a encore passé du temps à discuter. "Parce que le sport est d’abord un terrain de vie". Patrice Annonay savoure ces moments, ses derniers au PSG qu’il quittera à l’issue de la saison, sa onzième à Paris, mais il n’en sera jamais très loin après. "C’est pour cela que mon départ du PSG n’est pas un déchirement. Après, en effet, il me restera Paris."

Laurent Moisset