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"Je ne savais pas ce qu'étaient les gros mots !"

LNH - Publié le 12 janvier 2017 à 18h33
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Deux jours après son large succès face au Brésil, l’équipe de France affronte le Japon, ce vendredi. L’occasion pour Rémi Feutrier, l’ailier gauche japonais de Chambéry, de nous conter son drôle de destin.

« Pour commencer je suis né en France, à Paris, d’un père français, et d’une mère japonaise. J’ai ensuite déménagé au Japon à l’âge de trois ans, où j’ai passé toute ma jeunesse. Du coup, je n’ai plus du tout parlé le français que je n’ai pas non plus appris là-bas. J’avais les bases d’un enfant de trois ans, et j’ai tout oublié (sourire). Pour ce qui est du handball j'ai commencé à 9 ans, surtout pour suivre mon frère et ma soeur, car à la base je préférais le football. Le handball est assez peu connu là-bas. Dans mon département, il n’y avait qu’un club. Je suivais tout de même le championnat professionnel car il y avait mon idole Stéphane Stoecklin (passé par le club d’Honda Suzuka de 1998 à 2003, ndlr). Pour ma part, j’ai eu quelques sélections en équipe nationale jeunes, mais une blessure au genou m’a fait arrêter le handball.

A l’âge de 23 ans, j’ai décidé de passer une année en France, afin d’apprendre la langue française. J’ai choisi la ville de Chambéry car mes idoles étaient Stéphane Stoecklin et Jackson Richardson. Il y avait en plus une école pour apprendre le français, dont c’était parfait. J’ai rapidement aimé la ville et je suis tombé dans une famille d’accueil vraiment top, ce qui m’a permis de ne pas trop souffrir dans mon intégration. En plus, j’aime bien parler avec les gens donc j’ai rapidement pu m’exprimer. J’ai même arrêté l’école après deux mois car j’ai préféré le contact humain. Je peux d’ailleurs dire que pas grand-chose ne m’a surpris au niveau de la culture, que je connaissais tout de même un peu. Le seul truc que je ne connaissais pas c’étaient les gros mots, qui n’existent pas au Japon... Mais vu que c’est nécessaire ici, j’ai appris ! Je trouve ça marrant en fait (rires). C’est bien pour déstresser quand tu rates un tir ! Je le fais aussi avec l’équipe du Japon, et mes coéquipiers se demandent bien ce que je dis… Mais je ne traduis pas (rires) !

Rémi et son père. (Crédit: Page Facebook de Rémi Feutrier)

"A la base, je comptais juste aller voir les matches le week-end !"

Rémi a d'ores et déjà croisé Nikola Karabatic...

Ah oui, car entre temps, j’ai repris le handball à Chambéry. Je n’avais plus mal au genou donc je me suis dit que je pouvais reprendre. Je voulais m’entraîner à n’importe quel niveau, même sans jouer les matches. Avec l’aide de mon père, je suis allé au club, et on m’a finalement proposé d’essayer le centre de formation.Je ne savais pas du tout ce qu’était un centre de formation ! (rires) Au Japon on a surtout un handball scolaire, avec des matches entre universités. Je ne comprenais rien du tout en fait ! Je pensais d’ailleurs que j’étais le plus jeune de l’équipe, alors que j’étais largement le plus vieux (rires). Au début je ne parlais pas beaucoup, puis c’est venu petit à petit avec notamment une soirée mémorable qui m’a permis de faire un grand pas dans mon intégration. Je pense qu’on se moquait un peu de moi au début mais comme je ne comprenais rien ce n’était pas bien grave (rires). Pour ce qui est de mon poste, au Japon, j’ai toujours joué arrière. Mais là-bas je suis grand (1,80m, ndlr). Ici je suis petit, alors je suis allé à l’aile gauche, même si ce fut parfois compliqué. 

Au début j’ai aussi énormément souffert mentalement. Il faut rappeler qu’à la base, je pensais débarquer à Chambéry et aller voir les matches le week-end dans le public ! En plus, au Japon, il y a beaucoup de respect, et je respectais beaucoup trop mes coéquipiers, je n’arrivais pas à m’imposer et j’étais bien trop fermé. Il a fallu me forcer à changer de mentalité. J’ai réussi à m’ouvrir et ça s’est peu à peu débloqué puisque j’ai signé mon premier contrat pro après seulement un an… Maintenant je me sens vraiment très bien. 

"L'objectif, ce sont les JO 2020"

Bon, je dois quand même dire que la cuisine japonaise me manque beaucoup… La famille aussi d’ailleurs ! Bon, la famille me manque même un peu plus que la cuisine, comme ça c’est mieux (sourire). Mais j’avoue qu’il n’y a pas de bons restaurants japonais à Chambéry, ce ne sont que des Chinois qui font du Japonais. Il faut que j’aille à Paris pour trouver de bons restaurants, même si les vrais Japonais sont chers ! 

Pour ce qui est de ce Mondial, je suis vraiment content de retrouver mes amis en sélection.  On rigole bien car ils me voient parler français. Je fais un peu le guide en fait ! (rires) J’espère que ça leur donnera envie d’eux aussi venir en Europe. Sur le plan du handball, j’apprends notamment beaucoup de choses avec notre sélectionneur, Antonio Carlos Oretga. Notre niveau a beaucoup évolué. Pour donner une idée du niveau, je dirais que nous avons le niveau d’une équipe de haut de tableau de Proligue. On sait qu’on aura du mal à avoir une victoire, mais on est là pour travailler en pensant déjà aux Jeux Olympiques 2020 qui auront lieu à Tokyo. Et puis pour moi c’est très spécial, c’est très important. Je joue ici avec les couleurs de mon deuxième pays. Ma soeur et mon père seront là pour m’encourager notamment… Ce n’est vraiment que du plaisir ! »

Papa ne passe pas inaperçu dans les tribunes de Nantes ! (Instagram de Rémi Feutrier)
La bonne ambiance règne au sein de l'équipe du Japon. (Page Facebook de Rémi Feutrier)

Benoît Conta

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