"Une crevette sans muscles." A l’heure de décrire le jeune Michaël Guigou, cette petite ficelle pleine de vie qui arpentait les parquets de Provence, Philippe Bana ne tourne pas autour du pot. "C’était clairement le plus gringalet du tas, sourit l’actuel Directeur technique nationale. Mais celui-là, tu te disais que c’était un malade passionné de handball." Né le 28 janvier 1982 à Apt, dans le Vaucluse, le petit Michaël ne tarde pas trop avant de toucher ses premiers ballons. "Il a signé sa première licence au club d'Apt dès l’âge de 5 ans", glisse sa maman, Christine Maillet, handballeuse elle-même, et alors très impliquée au sein du club aptésien. Très vite, les qualités du garçon sautent aux yeux. "Je me souviens qu’on avait disputé une finale régionale avec notre équipe poussins, et l’entraîneur adverse avait refusé que Mica joue car ce n’était pas sa catégorie. Pas parce qu’il était plus vieux, mais parce qu'il était trop jeune ! L’entraîneur m’a dit: « on ne veut pas perdre ». Mica n’a pas joué, et on a perdu..."
Biberonné à la résine sur les gradins des gymnases, le jeune homme a du mal à laisser de côté de sa passion. "J’ai fait partie de ces gamins qui jouaient contre un mur tout seul, et qui se prenait pour le joueur qui a la balle pour gagner la Coupe du Monde, reconnaît l’intéressé, dont l’idole s’appelle alors Jackson Richardson. Jackson c’était fou ! C’était tellement nouveau, tellement frais, tellement spectaculaire ! Il avait tout le temps le sourire. On ne se rend pas bien compte de ce que c’était maintenant, mais Jackson il faisait tomber les gardiens sur ses feintes de shoot !" Aptésien jusqu'à ses 16 ans, le jeune demi-centre fourbit ses armes, et grandit peu à peu, disputant deux années de suite le Challenge Falcony, avant de devoir migrer vers Avignon pour une saison en Prénationale. "On n’avait plus d’équipe assez performante pour qu’il continue sa progression. Du coup il est allé à Avignon où il a été doublement surclassé", explique sa maman.

2001, les débuts à Montpellier
Une année spéciale pour les Avignonnais qui vont tout simplement atteindre les quarts de finale de la Coupe de France, en éliminant au passage le Monaco de Pascal Mahé, alors en deuxième division. Du haut de ses 16 ans et alors pensionnaire du pole de Marseille, le jeune Michaël Guigou illumine le jeu. "Il avait ce génie tactique, cette qualité de passe, souffle Philippe Bana. Il éclairait le jeu." C’est là qu’il est repéré par Patrice Canayer, alors entraîneur de Montpellier, double-champion de France en titre. "On s’est rencontré en marge d’une école d’entraîneur à Bercy. Je faisais partie de l’organisation, se remémore sa mère. Il y avait aussi Chambéry ou Valence mais Michaël a choisi Montpellier car c’était déjà une référence à l’époque." C’est du côté de l’Hérault qu’il va du coup parfaire sa formation, tout en mûrissant sur le plan physique.

Michaël Guigou est bientôt prêt à découvrir le grand monde. En 2001, il est dans les tribunes quand l’équipe de France est sacrée championne du monde. "A l’époque je n’avais pas joué un seul match de championnat. Mais à l’entraînement, je côtoyais 9 champions du monde", explique-t-il. C’est finalement le blues de Martin Frandesjö et son départ vers l’Allemagne permettent au jeune ailier d'avoir sa chance, dans le role de doublure d'Andrej Golic. Deux matches disputés en fin de saison marquent le début d’un long chapitre héraultais, toujours pas refermé depuis. Une fidélité sans faille pour celui qui navigue entre les postes d'ailier et de demi-centre, alors même que les plus grands d’Europe lui font la cour, de Barcelone à Kiel, en passant par Ciudad Real. "Si je suis resté à Montpellier c’est que j’ai besoin de soleil, de ma famille, de mes amis. J’ai besoin de prendre du plaisir et ça a toujours été le cas", note-t-il.
"Ce n'est pas quelqu'un qui aime la lumière"
"Mica a besoin de cet équilibre. Il a besoin d’avoir ses amis, qui ne sont d’ailleurs pas handballeurs, qui ont un vrai métier. Et puis sa femme a un métier qui l’aurait empêché de partir avec lui (au sein d’un cabinet de notaire, ndlr). Alors même si Ciudad Real avait mis en place un système d’aller-retour en avion pour qu’il puisse la voir, il a préféré rester, détaille sa maman, qui réfute l’idée de la facilité. Je ne suis pas sûr qu’il soit plus facile de rester performant au sein du même club pendant 15 ans, que de se fixer un nouveau challenge tous les trois ans. C’est au moins aussi difficile." C’est ainsi que celui qui fut élu 10 fois meilleur ailier de Lidl Starligue a rempli l’armoire à trophées avec une Ligue des champions, 10 titres de champion de France, 10 Coupes de la Ligue et 11 Coupes de France.
Des étagère sur lesquelles il faut bien sûr sur ajouter les titres décrochés avec les Bleus, avec qui Michaël Guigou débute en juillet 2002: 3 titres de champion du monde, 3 championnats d’Europe et deux médailles d’or olympique. Un palmarès XXL et un talent (sans doute l'un des plus grands du handball français) pas forcément en adéquation avec sa popularité auprès du grand public. La raison ? Un caractère qui ne le pousse pas particulièrement vers les médias. "Ce n’est pas quelque-chose que je cultive, confirme-t-il. Il y a un système médiatique que je ne trouve pas particulièrement intéressant." "Ce n’est pas quelqu’un qui aime la lumière, confirme la maman. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’aime pas être reconnu. C’est juste que ce n’est pas son truc." Une version confirmée par le joueur. "Ce n’est pas parce que je ne vais pas vers les médias que je ne suis pas fier de ce que je suis, ce que j’ai fait."

Et si l’envie de se mettre en avant n’est pas une priorité, l’envie de jouer est elle bel et bien encore présente, même à 35 ans. "Une fois que tout commence, ça passe tellement vite ensuite… Et puis on fait un métier extraordinaire ! On nous permet de jouer au ballon devant du monde, lors d’évènements incroyables !", s’exclame celui qui a toutefois d’ores et déjà programmé son avenir, en signant un contrat incluant une reconversion avec le MHB. Il sera alors temps de passer de l’autre côté de la barrière. "Mica sera entraîneur, il lit le jeu comme dans un livre ouvert", assène Philippe Bana. "Il se dirige vers cela, et je pense que ce sera avec les jeunes, que ce soit dans un pole ou dans un centre de formation. Il a déjà commencé, et il s’est aperçu que ça lui plaisait vraiment, cette transmission vers les autres", conclut sa mère. Sûr que Michaël Guigou saura alors couver les jeunes crevettes…
Benoît Conta
