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Pierre Soudry: ''Je n'avais pas envie de faire le contrat de trop''

LNH - Publié le 16 juin 2021 à 14h24
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Alors que l'heure de la retraite a sonné, à 33 ans, Pierre Soudry revient sur les plus grands moments de sa carrière, et sur sa reconversion à venir.

Ma première licence

« Je ne me suis pas orienté tout de suite vers le handball, puisque j’ai d’abord fait de l’athlétisme. Avec le recul, je me rends compte que ce qui me plaisait, c’était surtout l’esprit de compétition, mais ce n’était pas forcément très fun. Quand j’ai découvert le handball, à l’âge de 8 ans, ça m’a tout de suite plu. C’était à Albert, dans la Somme. J’ai suivi mon grand frère, qui a cinq ans de plus que moi. Je suis allé le voir un peu à l’entraînement et j’ai pu participer, faire des petites passes. Et c’est là que je me suis dit que j’avais envie de jouer avec un ballon. (sourire) »

La première fois que j'ai pensé à devenir pro

« Ca a mis un peu de temps. Mais avant de devenir pro, je pense que j’avais déjà envie d’être le meilleur. Je voulais être le meilleur dans mon équipe, le meilleur sur chaque match. Et je me souviens qu’en 2001, j’avais vu l’équipe de France devenir championne du monde derrière mon écran, et ça m’a vraiment marqué. Ca m’a vraiment poussé vers cette carrière. »

Mon premier match avec les pros

« C’est en 2006, et je suis encore au centre de formation à Dunkerque. J’ai très vite intégré le groupe pro et sur mon premier match, je ne suis pas rentré. Donc je vais prendre le premier match joué, et c’était face au Paris Handball, une belle équipe à l’époque. C’était assez impressionnant pour moi, surtout que je jouais à l’aile, et en face de moi, c’était Olivier Girault. C’était quand même un peu d’excitation tout ça. (sourire) C’était Denis Tristant le coach, et il m’avait prévenu un peu avant le match qu’il m’offrirait quelques minutes, qu’il fallait que je fasse ce que je sais faire, que je n’avais pas à me poser trop de questions. Il y avait aussi Arnaud Siffert qui venait d’arriver de Paris. Il m’avait donné quelques indications sur le gardien d’en face, je ne sais plus qui c’était. Et sur le premier décalage, j’ai fait absolument l’inverse de ce qu’il m’avait dit. (rires) Mais j’avais marqué quand même ! Arnaud m’avait dit qu’il ne me donnerait plus de conseils. (sourire) »

Mon premier contrat pro

« C’est à Dunkerque, après mes trois années de formation. C’était une évidence. Le club m’a rapidement fait comprendre qu’ils étaient satisfaits de moi, et ils m’ont proposé ce contrat. Je m’étais vraiment acclimaté à la vie dunkerquoise, et c’était une évidence de continuer ici. C’était un aboutissement, mais aussi un soulagement car on se dit qu’il y a beaucoup de monde sur la ligne de départ, et parfois ça ne tient pas à grand-chose pour aller au bout. Il y a plein de joueur talentueux qui n’arrivent pas à signer leur premier contrat pro. »

L'entraîneur qui m'a le plus marqué

« Si je devais en choisir un, je choisirais Arnaud Calbry. Il a suivi une grosse partie de mon parcours. Quand je suis arrivé au centre de formation, il opérait sa reconversion de joueur à entraîneur, et faisait sa première année en tant que coach. On a grandi ensemble en quelque sorte. Il a grandement participé à ma formation, avec un lien particulier. Il avait un côté protecteur avec tous les jeunes qu’il avait eu, mais aussi dur et strict. Il nous a inculqué, à moi et à ceux de ma génération, ce qu’était l’exigence du haut niveau. »

Le meilleur joueur avec lequel j'ai joué

« Je n’ai pas forcément joué très longtemps avec lui, mais c'est Luc Steins. Il y a d’abord son niveau de jeu, ce qu’il montre sur le terrain. Il m’impressionne par le rythme et l’engagement qu’il est capable de mettre à chaque match, mais aussi par son intelligence de jeu. Mais c’est aussi un super professionnel. Il a une approche de son métier vraiment très moderne, il arrive toujours très tôt à la salle pour bosser physiquement, il réfléchit beaucoup sur le jeu, il analyse tout. S’il est désormais MVP de Lidl Starligue, malgré son physique atypique, ce n’est pas du tout un hasard. »

Le coéquipier le plus fou avec lequel j'ai joué

« Je dirais Guillaume Joli. Ce n’est pas vraiment de la folie, mais c’est quelqu'un de très extraverti. On le voit à sa manière de célébrer ses buts. Autant quand on est de son côté, c’est quelque-chose de stimulant et de sympa, autant quand tu es en face, ça peut énerver. (rires) Mais dans un groupe, c’est vraiment la joie de vivre. Il a ce grain de folie qui est vraiment sympa. »

L'adversaire le plus difficile à affronter

« Ce n’est pas le seul, mais je vais dire Nikola Karabatic. C’est le genre de mec, quand je l'avais en face de moi, je n’ai pas forcément passé des supers moments. (sourire) ll avait l’ascendant physique sur moi, mais pas seulement, car il lit très bien les intentions. On connaît son engagement physique, mais il a aussi un niveau de vigilance très élevé. Quand il était face à moi en numéro 2, j’avais souvent plus envie d’aller au large plutôt que d’aller le défier. (rires) Et puis avec lui, ça ne servait à rien d’attendre la 58e minute, son niveau d’engagement est le même de la première à la dernière minute. C’était incroyable. »

Mon adversaire préféré

« Celui que j’aime bien rencontré depuis quelques années, c’est Vincent Gérard. On a déjà vécu quelques belles années à Dunkerque, et j’ai beaucoup d’estime pour lui. Et jouer face à quelqu’un que l’on connait bien comme ça, c’est plaisant. Il me connaît, je le connaîs, on a tous les deux l’esprit de compétition donc on a à chaque fois envie de prendre le pas sur l’autre. Mais c’est toujours bon enfant, on s’échange quelques regards, quelques mots, on se chambre. C’est stimulant tout ça. Et à l’entraînement, à Dunkerque, c’était pareil. Sur un simple jeu d’échauffement, c’est le genre de joueur contre qui tu as envie de te dépasser. Qu’il soit dans ton équipe ou en face d’ailleurs, tu as toujours envie de te dépasser quand il est là. Tu sais que ça peut vite l’énerver. (rires) »

Mon meilleur ami dans le handball

« Erwan Siakam, qui est arrivé quasiment en même temps que moi à Dunkerque. On a un peu grandi ensemble. On a découvert le groupe pro ensemble, on a vécu les belles années dunkerquoises ensemble. C’était top de partager ça avec lui. On est très ami, et on a partagé énormément de choses, même en dehors du handball. Et même quand nos chemins se sont séparés, et qu’il est parti à Créteil. Et puis c’était un des mecs que j’aimais affronter aussi. »

Crédit: DR

Le meilleur moment de ma carrière

« Le premier titre avec Dunkerque, en 2011, lorsqu’on gagne la Coupe de France. C’était assez particulier, une belle manière pour les joueurs de rendre hommage à Nicolas Bernard, le président du club, qui était décédé quelques mois avant. C’était assez chargé en émotion. Et puis ça se jouait à Bercy, une salle qui a une forte valeur symbolique pour les handballeurs. Et pour finir, il y a le scénario du match, avec la victoire aux penaltys face à Chambéry avec ce dernier but de Sébastien Bosquet. C’était énorme, avec une telle communion avec le public qui s’était déplacé. Je pense que ce titre a d’ailleurs a été un déclic pour notre génération, on avait franchi le cap. On était toujours bien classés, mais il nous manquait ce titre. »

Le pire moment de ma carrière

« C’était il n’y a pas si longtemps, en 2019, quand j’arrive à Toulouse. Je me reblesse à l’orteil, une rechute puisque je m’étais déjà blessé à cet endroit. Et dans ce contexte, c’était vraiment difficile. Je découvrais un nouveau club, avec l’envie de faire mes preuves et de montrer qu’on pouvait compter sur moi. Se blesser, c’est difficile à accepter, et la nature de la blessure a rendu le truc encore plus compliqué à vivre. Je ne savais pas si je serais capable de rejouer un jour. Il y a eu un moment de doute assez long, même si derrière j’ai bien bossé pour revenir. »

Un regret ?

« L’équipe de France. A la fin de l’année 2013, je suis appelé par Claude Onesta pour la prépa de l’Euro 2014. Mais je me blesse quelques jours avant de rejoindre le groupe. J’ai participé au rassemblement, mais j’ai passé pas mal de temps avec le staff médical. C’était d’autant plus frustrant que ça s’est répété six mois plus tard, avec une nouvelle blessure quelques jours avec un stage. Je n’aurais pas pu profiter pleinement de cette opportunité. Mais il ne faut pas être fataliste, c’est comme ça. On accepte, on se remet au travail et on espère être dans la prochaine liste. »

Ma décision d'arrêter

« Ce n’était pas forcément ce qui était prévu à la base, puisque je m’étais fixé plus les alentours de 35 ans. Je me voyais bien signer un dernier contrat, car il n’y a pas vraiment de lassitude. Mais l’opportunité ne s’est pas spécialement présentée, et j’ai pris un peu de recul. Et je suis revenu à la question de l’intégrité physique. J’ai eu pas mal de blessures qui ont laissé des traces et je ne peux plus, au quotidien, mettre l’intensité que je voudrais mettre. C’est super frustrant d’accepter ça pour moi. Il y a eu des moments, cette saison, où je ne pouvais pas m’entraîner avec l’intensité que je souhaitais. Je donnais tout sur les matches, mais je sentais bien qu’il fallait me reposer derrière. Et je n’avais pas envie de faire le contrat de trop, qui aurait pu continuer d’abîmer mon corps. J’ai aussi envie d’être relativement en forme à 35 ans. (rires) »

Et maintenant...

« Ca se goupille plutôt bien puisque j’avais cette envie d’enchaîner rapidement, et ne pas passer des mois à ne rien faire. J’aurais eu du mal à le vivre. En septembre, j’entame une nouvelle vie en tant que conseiller en gestion de patrimoine. J’avais fait une école de commerce en début de carrière, et depuis un ou deux ans je travaille sur ma reconversion plus spécifiquement pour en arriver là. On retourne s’installer à Dunkerque, c’est là ou les opportunités professionnelles se sont présentées pour ma femme et moi, et c’est aussi une bonne manière de se rapprocher de nos cercles familiaux et amicaux. Même si on a beaucoup apprécié la vie à Toulouse, on va remonter dans le Grand Nord. (rires) »

Benoît Conta

Crédit photos: Stéphane Pillaud