Seufyann Sayad: ''Etre le dernier sélectionné de Daniel Costantini reste une fierté''

LNH - Publié le 24 juillet 2020 à 15h37
LNH
De son démarrage à Sélestat jusqu'à la fin de sa carrière française à Nantes, en passant par le douloureux épisode chambérien, Seufyann Sayad revient pour nous sur quelques grands moments de sa carrière.

Mon premier match avec les pros

« C’était avec Sélestat, et je crois que c’était Livry-Gargan à domicile, mais je n’en suis pas sûr. J’ai dû intégrer l’équipe quand j’avais 15/16 ans, quand l’équipe est descendue en D2. A l’époque, l’entraîneur c’était Radu Voina, qui venait du Racing Strasbourg. C’est lui qui m’a fait pas mal travaillé, m’a donné beaucoup de confiance et j’ai eu de la chance de jouer très tôt. Je ne m’en rendais pas compte à l’époque car c’était quelque-chose de naturel à Sélestat de faire confiance aux jeunes. Et moi, j’étais né là-bas, j’avais intégré le club dès les poussins donc je ne calculais pas trop. D’ailleurs au collège, j’avais mis le sport-études en troisième choix pour mon orientation. (sourire) Finalement, on a quand même un peu insisté pour que j'y aille et ce fut de très belles années, notamment avec Pierre Mangin. »

Mon dernier match en pro

« C’est compliqué. Je vais citer un match dont je me souviens de manière positive, et la finale de la Coupe EHF 2013, avec Nantes (voir plus loin). Mais ce n’était pas le dernier match de ma carrière à Nantes, puisque j'ai refait une saison derrière. (sourire) Je m’explique. Lors de ma dernière saison à Nantes, en 2014, j’ai eu quelques soucis personnels, et j’ai annoncé au club six mois en amont que je ne souhaitais pas prolonger. A l’époque, le club a compris ma décision, mais Thierry Anti a fini la saison en faisant son équipe, ce que je peux comprendre aussi. Donc je n’ai plus beaucoup joué et ce n’était pas forcément la meilleure période pour moi. Ensuite je suis allé m’installer à l’étranger, et j’ai repris un an plus tard en Espagne, mais ce n’était plus la même chose, plus le très haut-niveau… Donc je préfère garder ce match européen avec Nantes. (sourire)  » 

Mon meilleur souvenir

« Il y en a eu plusieurs, mais, avec Nantes, c’était juste l’année d’avant, avec ce Final4 de Coupe EHF que l’on a joué à la maison. Quand je suis arrivé au "H", en 2009, l’objectif c’était le maintien. Quatre ans après, on jouait une finale de Coupe EHF face à Rhein-Neckar (perdue 24-26, ndlr)… Et les autres résultats suivaient aussi. Je pense que c’est la première fois que je vois un club grandir aussi vite. Et pour ça, il faut rendre hommage au président, Gaël Pelletier, et à son équipe. Je dirais même qu’à une époque ils grandissaient plus vite que nous sur le terrain. (sourire) Mais c’est quelque-chose que l’on retrouve aujourd’hui, et si Nantes est désormais un gros club de Lidl Starligue, c’est que les dirigeants ont fait les choses dans l’ordre. » 

Mon pire souvenir

« Mon passage à Chambéry. C’est sans doute un choix qui a changé toute ma carrière. J’ai fait ce choix d’aller là-bas, et la première année s’est bien passée. Mais la deuxième année, notamment avec Philippe Gardent, Stéphane Stoecklin et Alain Poncet, ça a été bien plus compliqué... Il n’y avait plus de côté humain. J’ai vécu des dingueries… Je vais prendre un autre exemple que le mien, celui de Mickaël Grossmann, que j’aime beaucoup. En plus de ses qualités humaines, c’était un joueur de folie. Mais il a fini cassé. Il y a eu tellement de casse à Chambéry. Que ce soit physique ou mentale… Avec Gardent, il y avait ce côté « guerrier », « 300 », mais derrière, la préparation physique, ça ne suivait pas. Non, franchement, c’est un mauvais souvenir. Après j’ai aussi un souvenir désagréable de mon passage à Toulouse, avec Laurent Bezeau, avec qui ça ne collait pas humainement. Il était un peu parano je pense. C’est pour cela que je suis parti ensuite en Espagne. Ca a marqué une coupure dans carrière. » 

Le meilleur joueur avec lequel j'ai joué

« Il y en a eu quelques-uns, et ça dépend des domaines. Si je commence par Nantes, je vais citer Rock Feliho. Sachant que Rock, je l’ai connu plus attaquant que défenseur à Sélestat. (sourire) Et je lui tire mon chapeau car il a su changer complètement de statut pour prolonger sa carrière. C’est quelqu’un qui est essentiel dans la vie de groupe. Ensuite, il y a aussi Alberto Entrerrios. Mais j’ai peur d’en oublier... A Chambéry aussi, même si ça s’est mal passé, j’ai vu de grands joueurs comme Laurent Busselier, Daniel Narcisse ou Mickaël Grossmann, dont je parle un peu plus haut. A Sélestat, il y avait Thierry Omeyer, qui a fait ses classes un an avant moi. Et puis il y a aussi des joueurs que j’ai connu qui étaient de grands joueurs en termes humains. J’ai fait de très belles rencontres durant toute ma carrière, notamment en Espagne. Mais je ne peux pas citer tout le monde. (sourire) » 

Le meilleur joueur contre lequel j'ai joué

« Talant Dushebaev, Jackson Richardson, Ivano Balic. C’est déjà un beau trio je trouve. (sourire) Et puis derrière je mets tous les gars du Ciudad Real de l’époque, comme Didier Dinart. Après je ne peux pas oublier Nikola Karabatic. Et puis il y a Mikkel Hansen, qui est pour moi un joueur extraordinaire. Mais je veux vexer personne, car des grands joueurs j’en ai croisé des dizaines. (rires) Après, Nikola Karabatic, pour moi, c’est le meilleur joueur du monde. Et ce n’est pas que sur ses qualités de handballeur, c’est aussi que dans sa tête, il est hors-norme. Hansen, c’est un artiste, Karabatic lui, c’est un guerrier, il ne renonce jamais. »

L'entraîneur qui m'a le plus marqué

« Celui de mes débuts, Radu Voina. Après il y en a d’autres, je peux notamment citer Pierre Mangin. Il y a eu aussi Alain Quintallet. Lui ce n’est pas l’entraîneur, mais plutôt l’homme. Il était vraiment là pour faire progresser les jeunes. Lui et Greg Cojean, ce sont des formateurs dans l’âme. Ce sont les meilleurs de France. Ce sont des passionnés, des gars compétents. Je les mets dans la trempe d’Eric Quintin ou Fred Anquetil aussi. Après, tout en haut je mets Patrice Canayer, même si je ne l’ai pas eu. (rires) Lui, c’est le président ! » 

Mon coéquipier le plus fou

« En Espagne, je mets Marko Ćuruvija. C’était un ailier international serbe. Je me régalais avec lui, il faisait 2m et avait un jump de fou. On se faisait des « fly », on s’éclatait à 5 contre 6 tous les deux. (sourire) Après, je me suis éclaté sur Nantes avec Nemo Pribak, Alberto (Entrerrios), Valero (Rivera)… Ah oui, et il y a aussi Fred Dole. Il était vraiment marrant. Je suis content d’avoir fini ma carrière après la sienne, l’ancien. (rires) C’était vraiment un bon gars, qui fonctionnait vraiment avec le coeur. »

La plus grosse engueulade

« J’en ai eu plein. (rires) Si je commence dès les benjamins, ça va être long. Mais je vais m’expliquer. Je pense avoir été quelqu’un de calme et de tranquille au début de ma carrière. Mais mon passage à Chambéry a tout changé. A Chambéry, on m’a marché dessus, on m’a pris pour un bouffon. A partir de là les relations avec mes entraîneurs, c’était tendu. Je mettais de la distance et quand tu es demi-centre, ce n’est pas toujours simple. (sourire) Après, cette distance, Thierry (Anti) a réussi à la rompre petit à petit, avec sa méthode à lui, qui mêle stress et amour. (sourire) Après quand j’étais jeune, des joueurs comme Marc Wiltberger cherchait à me faire réagir en me criant dessus, mais ce n’était pas trop mon truc. Mais je l’ai compris tard. D’ailleurs, j’ai été comme ça moi aussi à Toulouse, où tout n’était pas pro, où il y avait beaucoup d’étudiants. »

La plus plus grosse fête

« Je ne m’en souviens plus non plus. Il y en a eu tellement, à tellement d’endroits, à tellement d’occasions. (sourire) On en reparle quand je recroise des joueurs, ça reste gravé. Après, je précise, jusqu’à mes 30 ans, c’était sans alcool. C’était juste la fête. (sourire) Après, il y a juste lors de mon passage à Nantes, j’ai fait la fête à la manière nantaise. (rires) » 

Mon premier maillot bleu

« Je suis le dernier sélectionné de Daniel Costantini. C’est ma plus grosse fierté. (sourire) C’est le plus important à mes yeux dans ma carrière. Daniel, c’est la référence, celui qui a tout mis en place, qui a sorti le handball français de l’anonymat. Et ce grand monsieur me sélectionne quand je suis à Sélestat. C’était juste pour numériquement remplacer Jackson Richardson, qui jouait en Espagne et qui n’avait pas de repos. Daniel lui a laissé le Marrane pour se reposer. Du coup, Daniel m’a mis en face de lui dans le train et m’a dit: "Ecoute, tu peux marquer 10 buts, tu pourras faire ce que tu veux, tu ne joueras pas le Mondial. La place est pour Jackson. Maintenant tu mérites d’être là, alors éclate-toi." Et ce tournoi, c’est mon meilleur souvenir en Bleu, car derrière je n’ai eu pas la chance de faire des championnats d’Europe ou du monde. Après, j’ai pu disputer une CAN avec le Maroc 2012, grâce à Philippe Carrara. Le challenge, c’était de jouer devant ma famille. Tout allait bien au niveau hand à Nantes, et on a réussi à aller en demi-finales pour finalement terminer quatrième. Après, il n’y a pas eu de suite, et je pense qu’il y a pas mal de travail à faire au niveau de la Fédé, mais ce n’est pas rôle d’en parler. » 

Et maintenant...

« Je suis toujours en Espagne et j’ai ouvert une entreprise de commerce international. J’ai fait de très belles rencontres en Espagne, et j’ai décidé de me lancer là-dedans. C’est un milieu assez difficile mais j’avance. J’ai aussi acheté une baraque que je retape pour en faire un gîte, tout en ayant quelques investissements immobiliers que j’ai pu effectuer durant ma carrière. Je n’étais pas trop du genre à me payer des Porsche ou des sapes de folie. Je ne veux pas sortir le refrain du gars sorti du quartier car mon quartier, à Sélestat, était sain. Mais je sais d’où je viens, et je sais que je suis sorti de là-bas grâce au handball. Et encore, ce n’était même pas ma volonté à la base. Moi je voulais juste me dépenser physiquement et gagner, quand même. (sourire) »

Benoît Conta